10 choses apprises après 2 ans et 30 000 km en moto.

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J’y ai mis le temps. 25 ans exactement. J’avais 2 objectifs à 18 ans : dégager de chez mes parents et passer mon permis moto. Le 1er a été rempli, le second non. Pourtant depuis tout gamin où un Sportster avait croisé ma route, j’avais ça chevillé au corps. Mais la vie, tout ça… Quand j’avais l’argent, je n’avais pas le temps et quand j’avais le temps, je n’avais pas l’argent. Bref, à 43 balais, j’ai réalisé mon vieux rêve : passer mon permis A (sans restriction de puissance, j’ai eu de la chance) et me payer un Sports’ 1200. Bref, Screw it, let’s ride. Et pour ceux qui vont me sortir le coup de la mid life crisis, comment dire… Vous voyez, quoi ?

Bref, j’avais tellement ça dans l’ADN que j’en suis à 30 000 km en 2 ans, ce qui est assez respectable, d’autant que je roule par tous temps et toutes saisons 5 jours par semaine. Ce qui fait que j’ai appris 2 ou 3 trucs.

1 – Le permis A c’est pas (totalement) la mer à boire

Disons que le permis B, à côté, c’est la crêche et que le A, c’est un peu comme attaquer une CPGE. On passe sur le code (si vous devez le repasser) qui ne vous met JAMAIS dans la situation d’une moto (narmol, hein ?), pour attaquer le dur :

  • les plateaux : on transpire un peu, mais vraiment c’est un coup à prendre (surtout le lent, le reste, c’est franchement fun).
  • la circulation : si vous ne jouez pas au coursier, c’est une formalité.
  • les questions théoriques : ben faudra apprendre, point.

Le vrai défi, c’est qu’il y a peu de place à l’erreur car les examinateurs ne font pas de cadeaux, étant donné les chiffres de la sécurité routière des 2 roues. En gros, ils veulent être certains qu’un niveau minimum de maîtrise et de compréhension est acquis, quel que soit le taux de kékéitude du candidat. Et je leur donnerai plutôt raison après avoir roulé dans quasiment tous les types d’environnement.

2 – La moto, c’est du plaisir… Mais

… qui implique beaucoup de sacrifices. Notamment :

  • rouler équipé : blousons, gants, pantalons, chaussures. Rappelez-vous ça : les premiers impacts chez un motard : tête, mâchoire, mains/doigts, bijoux de famille qui restent accrochés façon trophée au guidon en cas de choc avant, colonne vertébrale, genoux, pieds, orteils arrachés. Je passe sur les pizzas potentiels qui roulent en t-shirt/bermudas/tongs. Donc (et c’est un possesseur de HD qui le dit), avant de lâcher des blindes dans le pot full barouf, la prépa moteur, l’accessoire qui va bien, déjà, pensez au matos qui va bien pour vous protéger, VOUS.
  • Vous aurez (très) chaud l’été, et vous aller vous cailler l’hiver dès que le trajet fera plus de 20/30 km (sauf si vous optez pour un salon roulant teuton).
  • être prêt à en supporter le coût : l’équipement coûte cher, l’assurance fait souvent mal, et une bécane ça s’entretient au cordeau, vu que le moindre pépin peut rapidement se solder par une gamelle… Et comme par définition, toutes les pièces mécaniques sont dehors… Il faudra bichonner votre monture (désabler l’été, déssaler l’hiver, entretiens courants, changements pièces d’usure, etc.). Clairement, c’est un point très important à l’achat, car ça peut vite devenir stratosphérique, surtout si vous êtes une bille en mécanique (comme moi).

3 – La moto rend in-vi-si-ble

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« Je vous avais pas vu » : ce sera la phrase que vous entendrez le plus, surtout en agglomération. Et encore plus en Île de France, et encore plus en petite couronne (je parle pas de Paris, c’est hors-concours). Pour faire clair, les torts sont largement partagés sur ce point (allez, lâchez-vous). Je m’explique :

3.1 petita : côté conducteurs

En Île de France, si je devais faire une statistique sur mes 40/50 km quotidiens (agglomération et voies rapides), je dirai que la proportion de conducteurs qui utilisent le téléphone au volant est de 1 sur 2, et c’est très loin de s’améliorer… Donc, plutôt que de parier sur une prise de conscience, je me dis que par défaut et tant que je n’ai pas repéré le regard du conducteur dans le rétro, il ne sait pas que je suis là (même en full barouf). Bonus aussi quand on laisse un piéton passer sur le passage destiné à cet effet, qu’on ne peut pas faire autrement que de s’arrêter entre 2 voitures, etc. Surveillez TOUJOURS vos arrières. Perso, avant de ralentir, freiner, je mets toujours en coup d’oeil dans les rétros. Et de manières générale, j’essaie de faire en sorte d’avoir une cartographie à 360° de tout ce qu’il y a autour de moi dans un rayon proche (50 m). Oui, la moto en ville, c’est plutôt usant nerveusement…

Si on y ajoute :

  • ceux qui se battent les steaks des prios, stops, cédez le passage, feux rouges, parce qu’ils savent très bien que vous ne risquerez pas le choc
  • ceux qui conduisent bourrés
  • ceux qui lisent le journal
  • ceux qui ont la tablette sur les genoux (sisisi, déjà vu…)
  • ceux qui se tripotent la nouille (sisisi, aussi)

On arrive à une jolie stat de dangers potentiels permanents. Pour y faire face, en plus des habitudes décrites plus haut et même si le feu est vert, que je suis prioritaire et que je crois avoir été vu ; je passe toujours un croisement en tombant un ou deux rapports, à vitesse réduite, prêt à stopper mon enclume de 270 kgs et son freinage préhistorique (oui, il y a ça en bonus, sur un Sports’).

3.2 petibé : côté  2 RM

Si en province l’esprit motard a l’air beaucoup plus respecté, bonne pratiques et bonnes habitudes sur la route comprises, il faut bien l’avouer, beaucoup de 2 roues en Île de France sont au mieux des glands, au pire des gougnafiers qui ne pensent qu’à leur tronche. En vrac :

  • dépassements dans tous les sens
  • circulation sur trottoirs, voies bus, voies cyclistes
  • interfile en force
  • colle au cul de tout ce qui va moins vite qu’eux (tous véhicules confondus)
  • arrêt au feu dans les zones réservées cyclistes (mec, ça te fait gagner 2 mètres… et donc le cycliste a pris l’habitude de griller les feux pour pas se retrouver planté à côté de toi)

Et surtout, à mon humble avis, on oublie tous, plus ou moins souvent un point très important : la plupart des caisseux ne sont JAMAIS montés sur un 2 roues > 125 cc, et donc n’ont aucune idée de la capacité d’accélération d’un 2RM, ce qui fait que souvent, il y a un gap de plusieurs secondes entre le moment où ils vérifient et celui où ils manoeuvrent. Et ce sont ces quelques secondes là qui font mal. Et c’est pas à l’auto-école qu’on va leur faire rentrer ça dans le crâne, je viens de le vérifier avec mon aîné qui vient de passer son permis B…

Bref, je ne compte plus quotidiennement les gars en 2RM qui font de la merde et qui ne doivent leur survie qu’à ceux qui les évitent. Je dois dire que c’est peut-être ce qui me gave le plus : cet hallucinante débauche de connerie pour arriver 3 secondes plus tôt au feu rouge (qu’on prendra soin de griller avant qu’il ne repasse au vert, hein, des fois qu’on perde 5/100ème de secondes ou qu’on se fasse gratter par le gars d’à côté).

Petite digression : il m’arrive aussi de faire de la merde, on est tous faillible et dans ces cas là, le mieux est encore de le reconnaître et de s’excuser. Mais les gens qui font sciemment n’importe quoi pour juste gratter quelques secondes ou quelques mètres et mettent les autres en danger, désolé, ça passe pas.

3.3 lézôtres

Les cyclistes, les piétons, les rollers, les pokémons, etc. Allez, on fait un pack, la plupart du temps, considérez que :

  • piétons : traversent n’importe où, même s’ils ont vu le danger (attention, il y a une catégorie très vicelarde capable de bien attendre que ce soit rouge pour traverser. Dans ce cas là, le full barouf est un précieux allié). Mention spéciale aux joggers avec casques anti-bruit pour leur contribution au rééquilibrage prématuré du coût des retraites (le sport c’est la santé, mon cul).
  • cyclistes : à de (très) rares exceptions, considérer que le cycliste se bat les steaks de tous les autres, à pied, à cheval, sur roues. Lui, il sauve déjà la planète, il va quand même pas en plus faire attention à ce qui se passe autour de lui. Donc si cette espèce est dans votre champ de vision, laissez tomber, il passera quoi qu’il arrive : feu rouge, cédez le passage, trottoir, prio à doite, ligne blanche. S’il pouvait couper par la piste d’un aéroport, il le ferait. Quoi ? Je les aime pas. Ouais. Le sport c’est la santé, mon cul bis.

4 – L’esprit motard n’est pas une légende (enfin bon, pas tout à fait)

Pas tout à fait parce que bon, le taux de retour aux V que j’envoie dans Paris et sa proche banlieue est quand même de l’ordre de 50 % (coucou les béhêmistes). Mais il remonte beaucoup dès qu’on sort de l’aquarium à dingos qu’est le 75, 92, 78. En gros, plus on s’éloigne de Paris, plus ça s’arrange (mais c’est vrai en général, en fait). La moto, c’est un peu un réseau social avant l’heure et sans lignes de codes : ça vous amènera à parler avec des gens à qui vous n’auriez jamais adressé la parole en temps normal. Et pourtant, les motards sont pires que des supporters de rugby dans le sud-ouest : on aime d’abord son village, ensuite la ville la plus proche, le département, et ainsi de suite. On fonctionne par tribus : Jap (avec plein de sous tribus), anglaises (avec une hiérarchie, hein, un mec en Norton sera toujours sympa mais un peu condescendant avec une Triumph, à moins qu’elle n’ait le même âge que lui), Italie (facile à reconnaître, ils ont les mains pleines de cambouis, mais ils ont la classe et font baver tout le monde même si on leur avouera jamais), Allemand (bon, là c’est très spécial et très inégal, mais en gros, il y a les allemands à costard et les autres). Et puis les Américains, forcément détestés par tous les autres (et parfois ils le méritent bien, je suis de cette tribu, je sais de quoi je parle).

Et puis ensuite, dans chaque tribu, il y a des sociotypes : roultoujours, pizzas, traileux, les full cuir, les stunters, etc. Bref, attention quand vous choisissez votre bécane, elle en dit beaucoup sur vous. Mais ce réseau social a au moins un avantage : il ne revend pas vos données, et quand quelqu’un parle avec vous, c’est pas pour flatter son égo (bon d’accord, avant il a un peu maté la bande de peur et l’usure des repose-pieds).

5 – On devient très (mais très très) prévoyant

400 bornes de flottes ininterrompues mal préparé, une crevaison qui vous plante pour plusieurs jours, etc. Le motard est parano et méticuleux. Il ne fera jamais de borne avec une bécane pas en ordre de marche et ce qu’il faut dans son sac à dos. Perso :

  • une trousse de premiers secours
  • une bouteille de flotte
  • au moins 2 paires de gants de rechange
  • un pantalon/combi de pluie
  • un pull chaud
  • une paire de chaussettes de rechange
  • un rouleau d’adhésif ultra résistant
  • un chiffon microfibre pour nettoyer la visière du casque

Et une marge confortable pour l’heure d’arrivée (paradoxalement, un long trajet en moto est souvent plus long qu’en voiture).

6 – la moto est un des meilleurs anti-dépresseurs

Et pour cause, quand on est dessus, on ne peut pas penser à autre chose. Point. Et les sensations qu’elle procure sont incomparables, même si vous vous mettez au volant d’une supercar, vous ne les aurez pas. On est en prise directe avec tout, la quiche au vent et seul (la plupart du temps), pour le meilleur et pour le pire.

7 – On redécouvre ce que veut dire voyager

Même si c’est pour faire 150 bornes. A force de passer du temps dans des caisses à savon de plus en plus aseptisées, avec clim, suspension machin bidule, filtre à poussière, etc. on l’a oublié, mais les endroits ont des odeurs. A force de faire les même trajets parfois longs, on récupère tous ses sens, on arrive à savoir où on est simplement aux odeurs, bonnes ou mauvaises. Perso, un de mes plaisirs : après 523 kilomètres (ouais, c’est précis), l’odeur quand j’arrive sur le pont de l’île d’Oléron. Et là le même rituel (quand ça souffle pas trop fort) : lâcher le guidon, écarter les bras et gueuler « PUTAIIIIIIN » dans mon casque. Après, je me sens beaucoup mieux.

8 – Tu deviens un peu un héros

maudit

Faut pas se le cacher, la moto, c’est un peu de la flambe aussi. Une façon de dire un peu crânement « ouais, c’est pas pratique, c’est un peu dangereux, mais je fais pas comme les autres » (on pourrait presque ajouter « couilles molles », à la fin). Et puis tu vas te surprendre à faire coucou à plein de gamins/gamines, parce que pour eux, dans ta combi ou ton cuir, t’es un peu un pote des Marvels (vécu, un gamin m’a demandé ça y’a pas longtemps dans une station-service). Ton niveau de sexitude remonte de 20 points automatiquement même si tu fais 1m70 pour 100 kgs (pourquoi vous croyez que les mecs se garent devant les terrasses de café ?). Tous vos potes se pâmeront quand vous arriverez en vacances en moto (encore plus si c’est pas en été) d’un : « ça va c’était pas trop dur ? » auquel vous réponderez, genre le mec qui revient du front : « naaaan, ça se fait facile » (alors qu’en fait, t’as quand même un peu mal au cul et la colonne vertébrale tassée de quelques centimètres). Bref, vous l’aurez compris, la moto, c’est quand même un peu la classe (à part en béhême). Le seul truc qui puisse lui y arriver à la cheville, c’est de faire de la musique. Même les gratteux moches ont une nana, non ?

9 – Mais ça coûte un peu des blindes

Soyons clair : tout ça a un coût. Et si la moto était un truc raisonnable, ça se saurait (tiens encore un point commun avec la musique). Pour la simple et bonne raison que les pièces sont quasiment sans protection, plus sollicitées et qu’un (vrai) motard ne roulera jamais sur une brêle dangereuse. Un pneu qui éclate ou une transmission fatiguée sur une caisse, on peut s’en tirer. Sur une moto lancée pleine balle, c’est le cercueil assuré. Et à moins d’être mécano, tout ça coûte assez cher, en tous cas beaucoup plus que sur voiture lambda. Donc si vous êtes pragmatique et/ou radin, oubliez.

10 – Guide de survie en milieu urbain

Je vais terminer par le plus important, ça vaut ce que ça vaut, mais ça m’a permis de rester entier sur ma bécane jusqu’à aujourd’hui lors de mes commutings banlieue-Paris quotidiens.

  1. Toujours interfiler entre 2 files de voitures (et toujours entre la plus à gauche et celle du milieu / de droite)
  2. Toujours interfiler avec moins de 20 km/h de différence (et emmerder ou laisser passer l’excité de service qui rev’ derrière – au hasard, tiens, en T-Max)
  3. s’il n’y a qu’une file, ne JAMAIS doubler à gauche sur une ligne blanche. Par défaut, personne ne s’attend à voir débouler quelqu’un là, et l’assurance vous la mettra bien au fond.
  4. Avoir toujours une porte de sortie quand vous interfilez
  5. Ne jamais rouler dans les voies bus et cyclistes (en France), ça fait chier les cyclistes (qui vous le renderont bien), les taxis (pas très coopératifs par nature), les bus (qui ne vous calculent jamais). Et ça peut coûter cher. On gagne assez de temps comme ça, non ?
  6. Ne jamais, jamais, JAMAIS doubler par la droite. Même raison qu’en 3.
  7. Si freinage fort ou d’urgence (déjà préférer l’évitement), vérifier dans le millième de seconde ce qu’il y a derrière.
  8. Si un gros con aigri vous empêche d’interfiler (ou joue à Candy crush), laisser tomber, attendez que le mec à côté vous donne de l’espace. Remercier bien visiblement le gars en question et faites un gentil « bye-bye » de la main au gros con. Effet garanti, satisfaction personnelle assurée. Et puis de toutes façons, vous arriverez toujours plus tôt que le gros con.
  9. Toujours remercier les caisseux qui vous laisse de l’espace, pensez aux copains qui passent après.
  10. Ralentir et être prêt à freiner à chaque feu, croisement, prio, passages piétons, même si c’est à vous de passer.
  11. Quand le feu passe au vert et si vous êtes à côté d’un camion/bus/truc qui bouche la vue : laissez le partir en premier, on ne sait jamais ce qui peut débouler (voir point 3.3). Idem pour les arrêts de bus.

Pour les motards qui passeraient par là, si vous en avez d’autres, n’hésitez pas.

Je vais terminer par mes chouchous sur Youtube qui postent les vidéos de leurs pérégrinations quotidiennes. Mine de rien, ça a une vertu très pédagogique. Et en plus ça a l’air d’être des mecs sympas (normal, ils sont motards).

  • Le maître incontesté : Royal Jordanian, qui roule à Londres et se fait aussi des trips d’enfer. Et qui a une collection de bécanes à faire pâlir (et il a une béhême, comme quoi, je suis open comme gars).
  • Samsuffis, parce qu’un jour on va bien finir par se croiser, et que le gars est drôle et cool.
  • Medhiator : sa chaîne est à l’arrêt, dommage, le gars avait un art consommé pour faire passer de très bons messages de façon très drôle.
  • MrKiddo : ce mec a la classe et transpire l’humanité. Point.
  • IronGirl : une nana en Sports’ (enfin, elle a trahi la cause, mais c’est pas grave) et avec le virus au dernier degré. Ses vidéos de balades sont de bons anti-dépresseurs.
  • MonsieurMarty : un peu le MrKiddo, mais à Marseille. Du coup, niveau nawak de la circulation, il est confronté au meilleur du pire.
  • Walane : clairement le plus drôle de tous, ce mec pourrait monter un show.

P.S. vous l’aurez compris, même si j’ai un peu charrié les béhêmistes et T-maxistes, au final, quand on se vautre, on ressemble tous à de la viande hâchée, donc aucune rancune ici.

V.

 

Categories: Lu

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